LES ELUCUBRATIONS DE COCO JOYCE

« Kouagne » Chang Caine (Je crois que ça veut dire « Petit scarabée » en Baoulé).

Je ne sais pas si vous vous souviendrez de celui-là, mais il a marqué aussi l’époque où regarder la télé était un vrai délice. C’était un grand pratiquant de Kung Fu qui pouvait frapper tout le monde avec des gestes lents mais précis. Il l’est toujours d’ailleurs, enfin, il l’était encore jusqu’à l’année dernière quand il s’était brisé le poignet en voulant casser une brique, juste pour impressionner des jeunes filles qui passaient sans même s’occuper de lui. Ses os avaient vieilli aussi, il faut le dire. Mais malgré ça, il reste dangereux. Je l’ai constaté moi-même quand il a frappé un apprenti de gbaka sous mes yeux au carrefour du zoo. Le petit ne voulait pas donner sa monnaie. Il était beaucoup trop jeune pour savoir à qui il avait affaire. Cette scène a créé un embouteillage monstre parce que les autres apprentis et chauffeurs de gbaka ont garé leurs véhicules pour voler au secours du petit malheureux qui n’avait pas raison. Ils étaient une quinzaine contre le vieil homme. Je ne sais vraiment pas par quel pur hasard, mais tous ceux qui étaient là ont pu entendre deux cris dignes d’un bon film karaté. C’était Jackie Chan et Jet li. « 照顧我照顧學徒的司機 », leur cria « Kouagne », ce qui veut dire : « Occupez-vous des chauffeurs, je gère les apprentis ». Je traduisis rapidement à haute et intelligible voix pour ceux qui n’avaient aucune notion de chinois. Le coin se vida soudain de ces gbakas, de ces chauffeurs et de ces apprentis mal élevés. Depuis son véhicule, « Petit Madou », le premier chauffeur qui avait pris position lança à l’endroit de l’apprenti qui venait d’être corrigé : « Chao[1], nous on voulait té aider hein, mais les môgôs[2] là, toi-même tu les connais non, walaye ils vont nous mettre « dans pain[3] » nous tous ». 

Il y a encore beaucoup d’autres héros de notre enfance que je n’ai pas pu rencontrer. Ils sont pourtant à Abidjan, mais pour les voir c’est vraiment difficile. Il s’agit, entre autres, de Steve Austin (l’homme qui valait trois milliards), Cortex et Minus (Cortex tient toujours à conquérir le monde), Astérix et Obélix (Panoramix, le druide, accepte maintenant de donner sa potion magique à Obélix, c’est ce qui se raconte en ville), la famille de « La petite maison dans la prairie », Titi et Gros minet (Le chat aurait réussi à manger le petit oiseau, mais ce ne sont que des rumeurs infondées), Bip bip et Coyotte (J’ai entendu dire qu’avant de quitter Abidjan, Coyotte avait décidé d’attendre que Bip bip vieillisse pour l’attraper. L’âge aidant, la volaille n’aura plus la force de courir aussi vite. Comme si lui-même, il n’allait pas vieillir aussi), Zambla, Zoro, Simon Templar, Wang Yu, Manimal, Donald, Picsou, Riri, Fifi et Loulou, tous sont actuellement à Abidjan à ce qui parait. Même celui qui, à ma connaissance, fut le dernier parrain, je parle de Vincent Corleone. Il parait qu’il vit vers la Pisam maintenant et il n’est plus le parrain de la famille Corleone. Il aurait cédé sa place à un petit DJ de Koumassi qui se fait appeler « Don Pepini ». Mais j’en doute, il faudra que je vérifie l’info.

Voilà ! Cher frère, chère sœur, je pense que nous avons fait le tour de la plupart de ces personnages qui ont contribué à faire de notre tendre jeunesse une époque inoubliable. Si tu as eu la patience de lire ce livre jusqu’ici, c’est que tu appartiens certainement à cette génération qui ne manquera pas d’esquisser même un petit sourire en entendant des noms ou des mots du genre, Léonard Groguhé, Ivoire Dimanche, Télé Miroir, Miki Miki, One leg, Castor, Abidjan City Breakers, Tantie Léo et bien d’autres.

[1] Chao : Frère, amis, gars
[2] Les Môgôs : Les gars
[3] Dans pain : Dans les problèmes